Gérard PETREMAND : “L’artiste et la diagonale de lumière”

Exposition du mercredi 26 septembre au samedi 3 novembre 2018

L’artiste et la diagonale de lumière

Si revenir sur le motif est utile pour un peintre mais hasardeux pour un photographe, Gérard Pétremand n’hésite pas à prendre ce risque en l’amplifiant. Ainsi le mouvement peut paraître paradoxal, mais le point du départ est toujours réel comme dans une quête renouvelée entre sujet, motif et abstraction.

Découper dans le viseur, mais se permettre le repentir, c’est donner vie et présence aussi à quelque chose  qui relèverait d’un éclat intérieur, de quelques formes tapies dans l’imaginaire ou simplement de l’expérience. De linéaire, le temps de l’image photographique nous surprend oblique. Celle-ci aura subi flou, distorsion et franchi la ligne de démarcation entre vrai et faux. Un chemin emprunté par la couleur comme voie d’accès.

L’abstrait et le figuratif n’agissent pas en s’excluant, mais leur cohabitation crée cette tension qui happe le regardeur. Pour Gérard Pétremand et comme l’illustre son parcours, photographie, design cinéma ou publicité, c’est toujours une question de forme entre trace et empreinte dans un même souci de la Gestalt. Alors, il ne faut pas chercher l’unité puisque la forme peut être vécue comme un drame en se séparant. Le hasard s’en trouve doublement reconfiguré et instaure des nouvelles vibrations.

Toutes ces compositions nous conduisent à nous interroger sur « l’air des choses ». Ce que le photographe voit et ce qu’il donne à voir est le principe même,  mais la couleur est là pour y ajouter un bruit à l’image et mieux souligner le silence de la photographie. Forcément, dans une approche plus conceptuelle, la forme se dérobe, la focale est choisie pour « défocaliser » et l’image est à la fois close et ouverte, mystérieusement.

Quant à la motivation, intrinsèque, nous n’en saurons rien. Subjectiver le réel en empruntant des détours et opter pour la multiplication des points de vue. Ce même réel est traqué et une place active, vibrante est toujours concédée à la couleur.

La photographie, trace ou signe d’un futur en mouvement? Créer dans un seul et même sillon pour cette nouvelle évidence simultanée. Trace, fulgurance ou petite « clairière de l’ouvert » forment une sphère esthétique au sein de laquelle l’intuition dessine ses propres lignes de fuite et de rencontre.

Si tout part de la photographie, l’artiste crée des paysages en mouvement et déconstruit l’horizon. Question de caractère, mais certainement essence d’ une vision. Cela nous apparaît comme une nécessité intérieure. Une volonté d’exposer, mais aussi de conférer une part d’ombre comme pour mieux rendre visible. Aboutir à des accords singuliers. Chercher ailleurs son temps intérieur, là et là dans un mouvement de spatialisation furtif et joyeux.

Sa dimension, le lointain : deux plans dialoguent, un premier plan et un plan lointain , symbolique, mais en même temps, ce plan est lointain parce qu’il semble mouvant, parce qu’il est là et parce qu’il n’est pas mesurable.

Quelque chose qui advient et qui ne relève pas de la perspective linéaire. Une intervention sous forme d’une réappropriation de la réalité visible rendue par le médium photographique.

Sans doute, la recherche de l’unité d’un rythme qui échappe à tout système. C’est là, le point nodal, l’isthme dans lequel gît la création pour mieux surgir et la couleur vient s’agripper parfois comme un trouble.

Les éléments sont alors suspendus dans la lumière. Entre présence et représentation, l’artiste introduit un tremblement dans l’espace de la lumière comme une intuition qu’il faut, à chaque fois, renouveler.

Arrêter l’événement du temps avec pour complice le reflet de la lumière, chahuter l’image et influer sur l’horizon. La matérialité des objets et des choses n’est pas statique. Ces œuvres photographiques sont chargées de l’expérience du sensible et du souci de ce qui n’est pas évident, cherchent à provoquer une résonance. Être photographe et refuser de se parer de ce qui est évident.

On se trouve face aux grands formats en résonance, complice d’un théâtre d’émotions. La vitalité cherche à primer sur le fini. Tel est le credo. In fine, des images qui ne sont pas sages et qui cherchent un langage de sensations à partir de la couleur dans une interdépendance entre visible et imaginaire.

                                   Mounira Khemir

                                   Auteur, enseigne l’esthétique à l’Université de Paris VIII

Auteur/autrice : humanitart

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